samedi 10 novembre 2007

Portrait 6

Le dindon

Cahotant bedonnant
Dindon dompté allant
Droit bon en mal en
Et plutôt par devant

L’animal encrêté
Bec devant entêté
Chairs flasques étirées
Pendouillant de côté

Ouvre toujours la marche
Bras ouverts comme une arche
Protégeant de la hache

Les dindonneaux hâtifs
Qui d’un pas décisif
Partent à l’aventure

Tels de jeunes Sisyphe
Dont la pierre sous les ifs
Se transforme en voilure


Ecrit entre 1990 et 2005

Portrait 5

La vipère

En cercles concentriques et ondulatoires
La vipère resserre ses anneaux de moire
Se glissant par vagues infimes et rampantes
Dans les lacis inexplorés de nos étés
Elle décuple ses secrets
Pour ses victimes assassinées
Pour ses désirs réalisés
Elle file et vibre enturbannée
Elle chuinte des colères
Elle blasphème des poèmes
Elle scintille en parfums âcres
Elle frémit de tout son sang
Et elle ondule sous le vent
En claquant comme une oriflamme
Elle se décline comme femme


Ecrit entre 1990 et 2005

Portrait 4

La paonne

Arrivant pesamment
Pareille à un canard
Paré superbement
D’un air goguenard
Fait son entrée devant
Un parterre de jars
La paonne qui en se pavanant
Leur lance un regard assassin
Qu’ils ne relèvent point
Trop occupés à jaboter à tout venant


Ecrit entre 1990 et 2005

Portrait 3

La pie

La Pie comme un corbeau
D’opérette glisse et
De place en place l’oiseau
Dans sa cervelle percée
Concocte incognito
Croit-il son envolée
Son ultime sursaut
De vie qu’il voit briller
Dans le miroir de ses rêves brisés
Comme tous les objets subtilisés
Au cours des ans passés…
Excusez la pie ne fait que passer !


Ecrit entre 1990 et 2005

Portrait 2

La fouine

A petits pas comptés
La Fouine sort son nez
Humide du terrier
Elle fait aller sa tête
De droite à gauche certes
Comme une sotte bête
Plisse ses yeux chafouins
Afin de fouiller loin
L’horizon mais en vain
Ne pouvant aux savants
Exposer savamment
Ses contes de moulins à vent


Ecrit entre 1990 et 2005

Portrait 1

La hyène

Yeux de hyène aux aguets
Elle scrute ses proies
Ongles sortis taillés
Longues lames de soie
D’animosité saturées
Serties de sueurs acides vite crispées
Prêtes à effleurer
Prêtes à taillader
Cou gorge yeux et langue
Ivre trois fois de puissance de rage de sang
Hyène aux yeux fous toutes de dents
Dressées rempart de haine pure
Quand son insatisfaction dure


Ecrit entre 1990 et 2005

Silences

Silence 1

Ce jour s’ouvre
Sous le signe du silence

Un parti pris de silence
Qui s’écoute

Un silence dans lequel
Pourront naître
D’autres silences, d’autres paroles
Peut-être

Silencieuses
Mais fortes

De ce silence qui les entoure

Ce jour


Silence 2
Indécis le silence
Balance du jour finissant
A la pointe de la nuit
Sa course d’ombre
Alors commençant

Articulations offertes
Le crépuscule craque
Prenant sa place
Le silence claque
Dans cet entre-deux

Faisant sauter une à une
Les coutures de bruit
Pour n’être crépusculaire
Qu’un silence assoupi
A la rencontre de la nuit


Silence 3

Dans la nuit
Le silence s’étend
Jusqu’aux bords étroits
Du monde

Le silence suit
La courbe des étoiles
Et les ravages de la terre

Dans la nuit
Qui attend le silence
Furtif jusqu’au
Bout du monde s’étend

Le silence fuit
Sous la ramure du vent
Entre dunes souples
Et roides falaises
Sur les ondoyants marigots
Et les plaines ouvertes poussant
Leur langue verte
Jusqu’aux confins rocheux

Par monts et par vaux

Jusqu’aux limites
Du monde
Le silence bruit
Dans la nuit


Silence 4
L’aube bleue
Dévore le silence bruissant

Bleu le silence
Déchire l’aube sonore

Les mots troublés
Dans le silence
De l’aube bavarde

Leur place cherchent
Devant derrière
Ne savent pas

Retrouver l’équilibre
De la syntaxe qui chante haut
Et se jouent de la pesanteur

Dans le silence bleu
Où premiers
Naissent les mots
Du jour

Qui l’aube bleue
Déchire


Ecrit entre 1990 et 2005

Syncrétisme

Au pays des masques du rêve
Mille et uns signes tourbillonnent
Afin d’enchanter tous les sommes
Qui tous s’ébattent après la fête

Immobiles scènes des songes
S’égayant dans tous les esprits
Comme autant de scènes amies
Aux mille et uns signes qui rongent

La moelle épinière du monde
Qui s’affaissant telle une ronde
Autour de la terre encerclée

Par des préjugés inutiles
Délivre des signes futiles
Enfin pour toujours déboutés.


Ecrit entre 1990 et 2005

Du sud au nord

Voilà, du sud au nord,
Ils cheminent à l’envers
Retrouvant les hivers
Qui pis aller encore
Les mènent à l’endroit
Des jours en bonne voie
Bien pourvus de pléthores
Les pavés de la ville
Les ont vus comme aux îles
Débarquer leur trésor
Longue écharpe de soie
Pans entiers de guingois
Drapés dessus leurs corps
Doux éclats de velours
Propices aux cours d’Amour
De leurs yeux frangés d’or
Lourds d’épices amères
Qui diffusent dans l’air
Des odeurs aux décors
Qui de leur sud venant
Transportent le Levant
Des suds jusques aux nords.


Ecrit entre 1990 et 2005

Petite suite

Sur les vitres glacées d’envies
Des fleurs de givre prennent vie
Et craquent comme des coquilles
De noix. Peu à peu, les regards
S’épaississent. Tous les regards
Obliques et durs tombent en vrille

Sur les vitres glacées de vie.
Les fleurs de givre en un défi
Etendent sans fin leurs aiguilles
De froid. Vibrants et piquants dards
Réunis qui se collent, dards
Redoutés, à la chair d’anguille

Insoucieuse de ceux qui rient,
Moqueurs. A gorges déployées
Les rieurs rient toujours, et rient
Du sang coulé, coagulé
Sur les joues de l’enfant sali
Au front paré de ses pensées.

Sur les vitres glacées d’ennui
Des fleurs de nuit ensanglantées
Que le froid grignote à l’envi
Lorsque l’enfant guerrier sourit
Peau frémissante et main pansée
Passée sur ses lèvres meurtries.

Sur les vitres glacées de vie
Loin du tumulte répandu,
Auprès des envies revenues,
Au dégel tendre de la vie
Le front appuyé sur le vent
Brise les vitres bien avant

Que les armes enfin déposées
Aux portes des villes brisées
Clament la trêve,
Nonobstant.


Ecrit entre 1990 et 2005

Croisements

Regards croisés
Effrontément
Entre deux phrases
Mots dits de soi(e)

Mains nues tressées
Intensément
Entre deux phrases
Mots tus de soi(e)

Bras inclinés
Pudiquement
Entre deux phrases
Mots lus tout bas

Seins affaissés
Indolemment
Entre deux phrases
Mots bus têta

Hanches ombrées
Intimement
Entre deux phrases
Mots en sépia

Boyaux mêlés
Très longuement
Entre deux phrases
Mots mis en soi(e)

Cuisses collées
Bien chaudement
Entre deux phrases
Mots tapinois

Jambes galbées
Ondulamment
Entre deux phrases
Mots vus de soi(e)

Regards croisés
Impunément
Entre deux phrases
Mots chus de soi(e)


Ecrit entre 1990 et 2005

Ephéméride

Trois février de la douleur
A vingt-deux heures elle naquit
Ensanglantée et déboutée
De sa matrice satinée.

Pétards mouillés des jours passés
Dix ans après, feu d’artifice,
Du bonheur elle attendait l’heure
Trois février et son horreur.

Trois février des jours sans heurt
Aimée, enfin, elle sourit
Aux matins blêmes, ravivés,
Aux soirs soudain réactivés.

Ville ouverte aux grands alizés
Les jours, les nuits, toujours factices
Se déroulent sans toit ni peur
Trois février des rires moqueurs.

Trois février de ses ampleurs,
Raisonnablement aguerrie,
Houle atlantique à vague ailée
Retombe en rires cadencés,

Qui du sud au nord bien parés
Font tous les ricochets et glissent
Sur tous les lieux ouverts aux heures
Trois février qui bien affleure.


Ecrit entre 1990 et 2005

Attente grise

Du profond, du lointain de toi,
Et de tes pores dilatés
Ta vie s’écoule lentement.

Détresse en pleurs,
Détresse qui ne se dit pas.

Tes yeux ouverts, tout doucement
Fixent ta vie, toujours usés,
Du lointain, du profond de toi.

Détresse en fleurs,
Détresse qui ne s’oublie pas.

Du profond, du lointain de toi,
Chaque jour, chaque heure passée
Implose subrepticement.

Détresse au cœur,
Détresse qui n’en finit pas.

Passage blanc cassé du temps
Inexistant. Edulcoré.
Du lointain, du profond de toi.

Détresse meurt,
Détresse qui enfin n’est pas.


Ecrit entre 1990 et 2005

Variations

Début de roman

Partir d’un son, celui du phono qui raccroche
Pavillon au vent après un vieil air de jazz
Dans une ambiance opaque au jour déclinant
Persiennes à demi baissées
Sur des feuillets épars
Livres ouverts à l’abandon.
Nonchalants jours d’été.
Le clic du phono qui raccroche,
Qui sort de la lente torpeur,
Qui ouvre à tout un univers
De sons, qui, par jeu sous la plume
D’une image l’autre
En un flash cruel,
Claquent.

Onomatopées
Clic ! Clac !
Entrez dans l’Agora. Sans crier : "Gare !" ?

Ding ! Dong !
Un colis pour vous !

Dring ! Dring !
Vous êtes bien chez... Veuillez laisser votre message...
Ding ! Ding !
Et ainsi de suite.

Salut ! C'est moi ! Tu filtres ?!
Miaou ! Miaou !
Ma gamelle est vide, dit le chat.

Clac ! Clac !
Y'a du courant d'air !

Tchttt ! Tchttt !
Quelle reprise !

Rlrrr ! Rlrrr !
Tiens, les "rooolers" sont de sortie !

Frrr ! Frrr !
Du papier froissé.

Tafff ! Tafff !
La fumée s'envole.

Pic ! Poc !
Goutte, gouttelette !

Zuitt ! Zuitt !
Le soleil revient !

Chuitt ! Chuitt !
Fait la théière.

Mais dit'donc, Monsieur
Vous avez vu l'heure !

Le phono raccroche

Entrez dans l’Agora. Sans crier : "Gare !" ?

Un colis pour vous !
Vous êtes bien chez... Veuillez laisser votre message...
Et ainsi de suite.

Salut ! C'est moi ! Tu filtres ?!
Ma gamelle est vide, dit le chat.

Y'a du courant d'air !
Quelle reprise !
Tiens, les "rooolers" sont de sortie !
Du papier froissé.
La fumée s'envole.
Goutte, gouttelette !
Le soleil revient !
Fait la théière.
Mais dit'donc, Monsieur
Vous avez vu l'heure !

Ecrit entre 1990 et 2005

Océan

Audacieux et brumeux
Vaporeux tendancieux
Matrice originale
Dédale génitrice
Liquoreux liquide
Si tumultueux
Qu'il se brise
S'étire
A l'infini…


Ecrit entre 1990 et 2005

Vagabondes

Ciels orageux
Ciels brouillés
Air doucement
En mouvement
Petit papier
Improvisé
Pluies venteuses et cinglantes
De l’hiver atlantique
Par rafales projettent
Leurs traits coupants
Embruns mêlés
Impétueux
Des vagues
Vagabondes.


Ecrit entre 1990 et 2005

Bout à bout

De fil en aiguille
et d’aiguille en toile.
De toile en araignée
et d’araignée en clichés.
De clichés en pierre de lune
et de pierre de lune en poussières étoilées.
De poussières étoilées en galaxies
et de galaxies en infinis.
D’infinis en glace à la vanille
et de glace à la vanille en onomatopées.
D’onomatopées en version expurgée
et de version expurgée en questionnements divers.
De questionnements divers en réponses multiples
et de réponses multiples en pointillés.
De pointillés en points de suspension
et de points de suspension en rebondissements…
C’est le pilpoul.


Ecrit entre 1990 et 2005