mercredi 18 août 2010

Temporalités voyageuses

L'Oued




L’eau joue dans le taillis
et fend le lit rocheux
de l’étroite vallée
qui dans la verdure
sous l’éclat blanc du soleil
jouit de son humidité féconde
dans le désert de pierre
montueux.

Le matin y voit
les scènes bucoliques
des troupeaux s’abreuvant
à la source parfaite.
Le matin s’y succèdent
les tableaux champêtres
des femmes encostumées
de couleurs chatoyantes
qui dans l’oliveraie
qui sous les amandiers.

Tout le jour y palabrent
des hommes assis croisés
sous les ramures fraîches.
Tout le jour s’y jettent
en criant des enfants
brunis de grand air.
Et, par milliers,
des gouttes minuscules
à la rencontre de la lumière
brillent, éclatent, se multiplient et
meurent.

Dans l’ombre aveuglante
du soir avancé,
elles glissent, paradent, sautent
et cascadent brunes ombreuses
dans le temps qui paisiblement
s’écoule.

Le thé



Bruit de gorge profonde
de la théière
qui monte et qui descend
comme les routes enlacées
à la montagne âpre
qui chuchote à petits flots
comme l’eau douce de l’oued fertile
qui heurte le plateau de cuivre
comme le rocher fendu
la pente abrupte.
C’est la cérémonie du thé
à toute heure
en toute occasion.

Le souk



Le regard jamais ne s’arrête
couleurs, matières, formes
à profusion l’excèdent.
Chaque pas résonne de la promesse
des épices dont les odeurs
éclatantes se mêlent à celles
piquantes de la menthe
salées des olives
fades, un rien écoeurantes, de la viande
âcres des peaux tannées
acides des tissus à la teinture
ferrugineuses des métaux chauds
entêtantes du bois de cèdre
mouillées de la terre à potier
sèches de la laine sur les métiers.
L’ouïe sans cesse en éveil
par la multitude des sons affûtée
filtre à longueur de jour
les appels sans mesure
courant sans s’arrêter
dans la médina chaotique univers
pour le passant mal informé,
mais tout s’organise rien ne se perd
pas un bruit pas un geste pas un regard
dans le dédale des rues
où chacun veille à discrétion.

L’ouïe sans cesse en éveil
par la multitude des sons affûtée
filtre à longueur de jour
les cris des marchands
mêlés à ceux des chalands
prêts à tout vendre « pour rien »
la musique obsédante
des Gnawas bondissant
le floc des écheveaux
tombant dans la cuve des teinturiers
le tac tac tac tac tac
des machines à coudre
rivalisant avec les longues aiguillées
au fond des arrière-boutiques
le choc sec et nerveux des ciseaux
sur le bois dense des sculpteurs
le martèlement sonore des ferblantiers
sur le métal à repousser
et le bruit des forges
qui entretiennent l’infernal chaos.

La qualité du silence



Havre du silence
hors de la débâcle des bruits
qui tels des furies orgiaques
en tous lieux grandissent
entre les murailles d’argile rouge
de la ville emmurée dans ses folies.
Havre du silence
dans les jardins clos
jardins paisibles
aux fontaines coulantes
sis derrière les lourdes portes
et les hauts murs aveugles
au fond des ruelles étroites.
Havre du silence
enfin audible à la nuit prenante
coupé à l’aube subite
par l’appel en écho
des muezzins fébriles.

Le hammam



Dans les ténèbres du hammam
pores dilatés par la moiteur
corps assoupli au savon noir
l’esprit s’évade
par les petites lucarnes du plafond.
Rien ne bouge ici
hormis la caresse de l’eau
sur la peau lustrée au gant noir
dans les ténèbres du hammam.


Le vent du désert


Brûlant et caressant
suavement frôlant
le vent du désert
donne l’assaut.

Les pensées flottent et
à chaque enjambée
le prochain souffle
enfin sera moins chaud
croit-on.
Comme une onde torride
continue le vent du désert
encercle et terrasse
tout ce qui vit, encore.

Maroc 2005

Photos de mhaleph

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